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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


matique de fins, et la réalité n’en peut être fondée que sur la supposition d’un souverain bien originaire, où une raison subsistant par elle-même et douée de toute la puissance d’une cause suprême fonde, entretient et accomplit, suivant la plus parfaite finalité, l’ordre général des choses, bien que dans le monde sensible cet ordre nous soit profondément caché.

Cette théologie morale a sur la théologie spéculative cet avantage particulier, qu’elle conduit infailliblement au concept d’un premier être unique, le plus parfait de tous et raisonnable, concept que la théologie spéculative ne nous indique même pas par ses principes objectifs et de la vérité duquel, à plus forte raison, elle ne saurait nous convaincre. Nous ne trouvons en effet ni dans la théologie transcendentale, ni dans la théologie naturelle, si loin que la raison puisse nous conduire, aucun motif suffisant de n’admettre qu’un être unique qui domine toutes les causes naturelles, et dont elles dépendent sous tous les rapports. Lorsqu’au contraire nous recherchons, du point de vue de l’unité morale, comme loi nécessaire du monde, la seule cause qui puisse faire produire à cette loi tout son effet et par conséquent lui donner aussi une force obligatoire pour nous, nous voyons que ce doit être une volonté unique et suprême, renfermant toutes ces lois. Car comment trouver en diverses volontés une parfaite unité de fins ? Cette volonté doit être toute puissante, afin que toute la nature et son rapport à la moralité dans le monde lui soient soumis ; omnisciente, afin de connaître le fond des intentions et leur valeur morale ; présente partout afin de pouvoir prêter immédiatement l’assistance que réclame le souverain bien du monde ; éternelle, afin que cette har-