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DU BUT FINAL DE LA RAISON PURE


l’expérience pour dériver quelque chose que nous connaissons de quelque chose qui dépasse absolument toute notre connaissance. En un mot, ces trois propositions demeurent toujours transcendantes pour la raison spéculative, et elles n’ont pas d’usage immanent, c’est-à-dire applicable aux objets de l’expérience, et par conséquent utile pour nous de quelque façon ; mais, considérées en elles-mêmes, elles sont des efforts tout à fait stériles et en outre extrêmement pénibles de notre raison.

Si donc ces trois propositions cardinales ne nous sont nullement nécessaires au point de vue du savoir, et si cependant elles nous sont instamment recommandées par notre raison, leur importance ne devra concerner proprement que l’ordre pratique 1[1].

J’appelle pratique tout ce qui est possible par la liberté. Mais si les conditions de l’exercice de notre libre arbitre sont empiriques, la raison n’y peut avoir qu’un usage régulateur et n’y saurait servir qu’à opérer l’unité des lois empiriques. C’est ainsi, par exemple, que dans la doctrine de la prudence, l’union de toutes les fins qui nous sont données par nos penchants, en une seule : le bonheur, et l’harmonie des moyens propres à y arriver constituent toute l’œuvre de la raison, qui ne peut fournir à cet effet que des lois pragmatiques de notre libre conduite, propres à nous faire atteindre les fins qui nous sont recommandées par les sens, mais non point des lois pures, parfaitement déterminées à priori. Des lois pures pratiques au contraire, dont le but serait donné tout à

  1. 1 Das Practische.