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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


d’expérience, c’est alors à bien plus forte raison que la preuve devrait renfermer la justification d’un tel pas de la synthèse (à supposer d’ailleurs qu’il fût possible), car sans cette condition elle ne peut avoir aucune valeur démonstrative. Ainsi, quelque spécieuse que puisse être la prétendue démonstration de la nature simple de notre substance pensante par l’unité de l’aperception, elle soulève une difficulté incontestable : c’est que, comme la simplicité absolue n’est point un concept qui puisse être immédiatement rapporté à une perception, mais qu’elle doit être conclue comme idée, il est impossible de voir comment la simple conscience qui est ou du moins peut être contenue dans toute pensée, peut me conduire, bien qu’elle ne soit qu’une représentation simple, à la conscience et à la connaissance d’une chose dans laquelle seule la pensée peut être contenue. En effet, si je me représente la force de mon corps en mouvement, il est pour moi en ce sens une unité absolue, et la représentation que j’en ai est simple ; aussi puis-je exprimer cette force par le mouvement d’un point, parce que le volume du corps ne fait rien ici et qu’on peut le concevoir, sans aucune diminution de force, aussi petit que l’on veut, et même réduit en quelque sorte à un point. Mais je n’en concluerai pourtant pas que, si rien ne m’était donné que la force motrice d’un corps, le corps pourrait être conçu comme une substance simple, parce que sa représentation est abstraite de toute quantité du contenu de l’espace et par conséquent simple. Or par là même que le simple dans l’abstraction est tout à fait distinct du simple dans l’objet, et que le moi, qui dans le premier sens ne renferme aucune diversité, peut être, dans le second, où il signifie l’âme même, un concept