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DISCIPLINE DE LA RAISON PURE


vous admettez (à quelqu’autre point de vue non spéculatif) une nature immatérielle et qui ne soit pas soumise au changement du corps, on vous oppose cette difficulté que cependant l’expérience semble prouver que l’accroissement et la diminution des facultés de notre esprit ne sont que des modifications diverses de nos organes, vous pouvez infirmer la force de cet argument en admettant que notre corps n’est rien que le phénomène fondamental auquel se rapporte, comme à sa condition, dans l’état actuel (dans la vie), toute la faculté de la sensibilité et par là toute pensée, et que la séparation d’avec le corps est la fin de cet usage sensible de notre faculté de connaître et le commencement de son usage intellectuel. Le corps ne serait donc pas la cause, mais simplement une condition restrictive de la pensée ; par conséquent il devrait être considéré sans doute comme un instrument de la vie sensible et animale, mais aussi comme un obstacle à la vie pure et spirituelle, et la dépendance de la première par rapport à la constitution corporelle ne prouverait rien pour la dépendance de toute la vie par rapport à l’état de nos organes. Vous pouvez aller plus loin encore, et trouver de nouveaux doutes, qui n’ont pas été mis jusqu’ici en avant, ou qui n’ont pas été suffisamment approfondis.

Ce qu’il y a d’accidentel dans les générations, qui, chez les hommes comme chez les créatures privées de raison, dépendent de l’occasion, mais souvent aussi de l’alimentation, du gouvernement, de ses caprices et de ses fantaisies, souvent même du vice, forme une grande difficulté contre l’opinion qui attribue une durée éternelle à une créature dont la vie a commencé dans des circonstances si insignifiantes et si entièrement livrées à