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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE

Comme en outre Hume n’établit aucune différence entre les droits fondés de l’entendement et les prétentions dialectiques de la raison, contre lesquelles ses attaques sont principalement dirigées, la raison, dont on a entravé, mais nullement abattu l’essor, sent que l’espace est encore ouvert devant elle pour s’y étendre, et elle ne peut jamais renoncer entièrement à ses tentatives, bien qu’elle ait été souvent gourmandée. N’ayant jamais été complètement repoussée, elle se met en garde contre de nouvelles attaques, et s’opiniâtre d’autant plus dans ses prétentions. Mais un examen complet de la faculté tout entière et la conviction que nous en retirons de posséder en toute sûreté une petite propriété, malgré la vanité de prétentions plus élevées, font disparaître toute dispute et nous décident à nous contenter de cette propriété limitée, mais incontestée.

Les attaques sceptiques ne sont pas seulement dangereuses, mais elles sont fatales pour le dogmatique sans critique, qui n’a pas mesuré la sphère de son entendement, qui n’a pas déterminé suivant des principes les bornes de sa connaissance possible, et qui par conséquent ne sait pas d’avance ce qu’il peut, mais pense le découvrir par de simples essais. En effet, si on le prend sur une seule assertion qu’il ne puisse justifier, et dont il ne puisse non plus expliquer l’apparence par certains principes, le soupçon tombe alors sur toutes les affirmations, quelque persuasives qu’elles puissent être.

C’est ainsi que le sceptique, ce surveillant du raisonneur dogmatique, conduit à une saine critique de l’entendement et de la raison même. Dès qu’il y est parvenu, il n’a plus à craindre aucune attaque ; car il distingue alors de sa possession tout ce qui n’en fait pas