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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


l’appui de cette étrange assertion, il en appelait au principe universellement reconnu du rapport de la cause à l’effet. Comme aucune faculté de l’entendement ne peut conduire du concept d’une chose à l’existence de quelque autre chose qui soit universellement et nécessairement donnée par là, il crut pouvoir en conclure que sans l’expérience il n’y a rien qui puisse augmenter notre concept et nous autoriser à former un jugement qui s’étende lui-même à priori. Que la lumière du soleil fonde la cire qu’elle éclaire, tandis qu’elle durcit l’argile, c’est ce qu’aucun entendement ne peut deviner et bien moins encore conclure régulièrement, en s’appuyant sur les concepts que nous avions déjà de ces choses ; il n’y a que l’expérience qui puisse nous enseigner une telle loi. Nous avons vu au contraire dans la logique transcendentale que, quoique nous ne puissions jamais immédiatement sortir de la matière du concept qui nous est donné, nous pouvons cependant connaître tout à fait à priori la loi de la liaison d’une chose avec d’autres, mais par rapport à une troisième chose, à savoir l’expérience possible. Quand donc la cire, qui auparavant était solide, vient à se fondre, je puis reconnaître à priori que quelque chose a dû précéder (par exemple la chaleur du soleil), après quoi ce fait s’est produit suivant une loi constante, bien que je ne puisse à priori et sans l’enseignement de l’expérience connaître d’une manière déterminée soit la cause par l’effet, soit l’effet par la cause. Hume conclut donc faussement de la contingence de ce que nous déterminons d’après la loi à la contingence de la loi même, et il confondit l’acte par lequel nous passons du concept d’une chose à l’expérience possible (laquelle a lieu à priori et constitue la réalité objective de ce concept) avec la syn-