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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


la véritable cause qui les provoque. Toute ignorance porte ou bien sur les choses, ou bien sur la détermination et les bornes de ma connaissance. Or, quand l’ignorance est accidentelle, elle doit me pousser, dans le premier cas, à soumettre les choses (les objets) à une investigation dogmatique, et, dans le second, à rechercher, au point de vue critique, les limites de ma connaissance possible. Mais que mon ignorance soit absolument nécessaire, et que par conséquent elle me dispense de toute recherche ultérieure, c’est ce que l’on ne peut prouver empiriquement par l’observation, mais seulement d’une manière critique, en sondant les sources premières de notre connaissance. La détermination des limites de notre raison ne peut donc se faire que suivant des principes à priori, mais nous pouvons connaître aussi à posteriori qu’elle est bornée, en remarquant ce qui, dans toute science, nous reste encore à savoir, bien que cette connaissance d’une ignorance à jamais invincible soit encore indéterminée pour nous. La première connaissance de l’ignorance de la raison, que peut seule nous donner la critique de la raison même, est donc une science ; mais la seconde connaissance n’est qu’une perception, aux suites de laquelle je ne puis assigner des limites. Quand je me représente (suivant l’apparence sensible) la surface de la terre comme un plateau rond, je ne puis savoir jusqu’où elle s’étend. Mais l’expérience m’apprend que, où que j’aille, je vois toujours devant moi un espace où je puis continuer de m’avancer, et je reconnais ainsi les bornes de ma connaissance réelle de la terre, mais non pas celles de toute description possible de la terre. Que si j’en suis venu au point de savoir que la terre est un globe et que sa surface est sphérique, je puis alors connaître d’une manière