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DISCIPLINE DE LA RAISON PURE


ment, mais aussi rien de plus vain et de plus inutile pour l’avenir, que de tenir quelque temps en tutelle la raison des jeunes gens, et de les préserver de la séduction au moins pendant ce temps. Mais si, dans la suite, la curiosité ou la mode du siècle leur mettent dans les mains ces écrits prétendus dangereux, les convictions de leur jeune âge soutiendront-elles le choc ? Celui qui n’apporte que des armes dogmatiques pour repousser les attaques de son adversaire et qui ne sait pas découvrir la dialectique cachée qui se joue de lui aussi bien que de son antagoniste, celui-là voit des raisons spécieuses qui ont l’avantage de la nouveauté opposées à d’autres raisons qui n’ont pas le même avantage, et il en conçoit ce soupçon que la crédulité de sa jeunesse a été trompée. Il ne croit pas alors pouvoir mieux montrer qu’il a échappé à la discipline de l’enfance qu’en rejetant les sages avertissements qu’il a reçus, et, accoutumé au dogmatisme, il boit à longs traits le poison qui corrompt dogmatiquement ses principes.

C’est précisément le contraire de ce que l’on conseille ici qui devrait avoir lieu dans l’enseignement académique, mais bien entendu à la condition qu’on lui donnerait pour fondement une solide instruction du côté de la critique de la raison pure. En effet, pour que le jeune homme applique le plus tôt possible les principes de cette critique et reconnaisse leur compétence à découvrir les plus grandes illusions dialectiques, il est tout à fait nécessaire de diriger contre sa raison, faible encore sans doute, mais éclairée par la critique, les attaques si redoutables au dogmatisme, et de l’exercer à examiner les vaines assertions de l’adversaire à la lumière de ces principes. Il ne lui sera pas difficile de réduire ces asser-