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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


elle ne l’est pas moins, elle l’est plus encore d’avancer sur ces questions quelque chose de négatif. Où en effet ce prétendu esprit fort puisera-t-il, par exemple, cette connaissance qu’il n’y a point d’être suprême ? Cette proposition est placée hors du champ de l’expérience possible, et par conséquent hors des bornes de toute connaissance humaine. Je ne lirais point le défenseur dogmatique de la bonne cause contre cet ennemi, parce que je sais d’avance qu’il n’attaque les raisons spécieuses de son adversaire que pour préparer un chemin aux siennes, et qu’en outre une chose qui se produit chaque jour ne donne pas lieu à autant de remarques neuves qu’une chose extraordinaire et ingénieusement imaginée. Au contraire, cet adversaire de la religion qui est dogmatique aussi à sa façon fournirait à ma critique l’occupation qu’elle désire, et lui donnerait l’occasion de rectifier ses principes, sans qu’il y eût à craindre le moindre danger pour elle.

Mais la jeunesse qui est confiée à l’enseignement académique doit-elle être au moins prémunie contre des écrits de cette nature, et doit-on lui dérober la connaissance prématurée de propositions si dangereuses jusqu’à ce que son jugement soit mûr, ou plutôt que la doctrine qu’on lui veut inculquer soit assez fortement enracinée pour pouvoir résister à toute opinion contraire, de quelque part qu’elle vienne ?

S’il fallait s’en tenir à la méthode dogmatique dans les choses de la raison pure, et que la réfutation des adversaires fût proprement polémique, c’est-à-dire de telle nature que l’on dût nécessairement entrer en lutte et s’armer d’arguments en faveur des assertions contraires, il n’y aurait sans doute rien de plus sage pour le mo-