Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
320
MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


elles sortent des conditions de toute expérience possible, en dehors desquelles il n’y a aucun document de la vérité, et qu’elles sont néanmoins obligées de recourir aux lois de l’entendement, qui ne sont propres qu’à l’usage empirique, et sans lesquelles on ne saurait faire aucun pas dans la pensée synthétique, elles prêtent toujours le flanc à leurs adversaires, dont à leur tour elles peuvent attaquer le côté faible.

On peut considérer la critique de la raison pure comme le véritable tribunal où se jugent toutes les controverses de cette faculté ; car elle n’a pas à se mêler des disputes qui portent immédiatement sur les objets, mais elle est établie pour déterminer et juger les droits de la raison en général, suivant les principes de son institution primitive.

Sans elle la raison demeure en quelque sorte à l’état de nature, et elle ne peut faire accepter ou assurer ses assertions et ses prétentions qu’au moyen de la guerre. La critique au contraire, qui tire toutes ses décisions des règles fondamentales de sa propre institution, dont l’autorité ne peut paraître douteuse à personne, nous procure la tranquillité d’un état civil où il n’est pas permis de traiter les différends autrement que par voie de procédure. Ce qui met fin aux querelles dans le premier état, c’est une victoire dont se vantent les deux partis et que suit ordinairement une paix mal assurée établie par l’intervention de quelque autorité supérieure ; mais dans le second, c’est une sentence, qui, remontant à la source même des disputes, doit amener une paix éternelle. Les disputes interminables d’une raison purement dogmatique nous obligent à chercher enfin le repos dans une critique de cette raison même et dans une législation