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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


naître et déterminer exactement. Il paraîtrait injuste de décrier Priestley, qui sait concilier ses paradoxes avec le but de la religion, et d’en vouloir à un homme si bien pensant, parce qu’il est incapable de s’orienter dès qu’il a quitté le champ de la science de la nature. Mais il ne faut pas traiter avec moins de faveur Hume, dont les intentions n’étaient pas moins bonnes et dont le caractère moral était irréprochable, mais qui ne put renoncer à sa spéculation abstraite, parce qu’il pensait avec raison que l’objet de cette spéculation est placé en dehors des limites de la science de la nature dans le champ des idées pures.

Qu’y a-t-il donc à faire, surtout par rapport au danger qui semble menacer le bien commun ? Rien de plus naturel, rien de plus juste que le parti que vous avez à prendre. Laissez faire ces gens-là : s’ils montrent du talent, une investigation neuve et profonde, en un mot, de la raison, la raison y gagnera toujours. Si vous employez d’autres moyens que ceux d’une raison libre, si vous criez à la trahison, si, comme pour éteindre un incendie, vous appelez au secours le public qui n’entend rien à de si subtils travaux, vous vous rendez ridicules. Car il n’est nullement question de savoir ce qui est ici avantageux ou nuisible au bien commun, mais seulement jusqu’où la raison peut s’avancer dans la spéculation, indépendamment de tout intérêt, et si l’on peut en général compter sur elle ou s’il faut la quitter dans l’ordre pratique. Ne vous jetez donc pas dans la mêlée l’épée à la main ; mais, placé sur le terrain assuré de la critique, contentez-vous de regarder tranquillement ce combat qui peut être pénible pour les champions, mais qui doit être amusant pour vous, et dont l’issue ne sera certainement pas san-