Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
DISCIPLINE DE LA RAISON PURE


comme il ne pourrait le démontrer qu’au moyen de la raison pure, il faudrait qu’il entreprît de prouver qu’un être suprême, ou que le sujet pensant en nous, comme pure intelligence, est impossible. Mais d’où tirerait-il les connaissances qui l’autoriseraient à juger ainsi synthétiquement des choses, en dehors de toute expérience possible ? Nous n’avons donc nullement à craindre que quelqu’un vienne un jour nous prouver le contraire, et par conséquent nous n’avons pas besoin de recourir à des arguments d’école, mais nous pouvons toujours admettre ces propositions qui, dans l’usage empirique, s’accordent parfaitement avec l’intérêt spéculatif de notre raison et sont en outre les seuls moyens de le concilier avec l’intérêt pratique. Contre l’adversaire (qui ne doit pas être ici considéré simplement comme critique) nous avons à notre disposition notre non liquet, qui le confondra infailliblement, et que nous ne l’empêchons pas de rétorquer contre nous, puisque nous avons toujours en réserve la maxime subjective de la raison qui lui manque nécessairement, et que sous cette garantie nous pouvons regarder avec calme et indifférence les coups qu’il frappe dans l’air.

En ce sens il n’y a pas proprement d’antithétique de la raison pure. Car la seule arène pour elle devrait être cherchée dans le champ de la théologie et de la psychologie pure ; mais ce terrain ne supporte aucun champion cuirassé des pieds à la tête et muni d’armes redoutables. On peut bien s’y avancer avec des paroles de raillerie ou de fanfaronnade ; mais tout le monde s’en moquera comme d’un jeu d’enfant. C’est là une observation consolante, et qui doit ranimer le courage de la raison ; car sur quoi pourrait-elle compter d’ailleurs, si, elle qui