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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


à elle-même et sans s’attirer des soupçons fâcheux. Il n’y a rien de si important, au point de vue de l’utile, rien de si sacré qui puisse se soustraire à cet examen approfondi et rigoureux ; il ne s’arrête devant aucune considération de personne. C’est même sur cette liberté que repose l’existence de la raison ; celle-ci n’a point d’autorité dictatoriale, mais sa décision n’est toujours que l’accord de libres citoyens, dont chacun doit pouvoir exprimer sans obstacle ses difficultés et même son veto.

Or, si la raison ne peut jamais se refuser à la critique, elle n’a pas toujours sujet de la redouter. Mais la raison pure dans son usage dogmatique (je ne dis pas dans son usage mathématique) n’a pas si bien conscience d’observer rigoureusement ses lois les plus hautes qu’elle ne doive se montrer timide et renoncer à tous les airs dogmatiques, quand elle est appelée à comparaître devant le tribunal suprême de la critique.

Il en est tout autrement quand elle n’a pas affaire à la censure du juge, mais aux prétentions de ses concitoyens, et qu’elle n’a qu’à se défendre contre eux. En effet, quand ceux-ci veulent être aussi dogmatiques dans la négation qu’elle l’est dans l’affirmation, il y a lieu alors à une justification καί άνθρωπον qui la garantisse de tout préjudice et lui assure une possession régulière qui n’ait rien à redouter d’aucune prétention étrangère, bien qu’elle ne puisse être elle-même suffisamment prouvée καί άλήθειεν.

Or par usage polémique de la raison pure j’entends la défense de ses propositions contre les négations dogmatiques. Il ne s’agit pas ici de savoir si par hasard ses assertions ne seraient pas fausses, mais de constater que personne ne peut affirmer le contraire avec une certi-