Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


pas moins une construction caractéristique, où, à l’aide des signes, on représente les concepts dans l’intuition, surtout ceux du rapport des quantités, et où, indépendamment de tout essai de découverte, on garantit tous les raisonnements contre les erreurs par cela seul que chacun d’eux est mis devant les yeux. La connaissance philosophique au contraire est nécessairement privée de cet avantage, puisqu’elle doit toujours considérer le général in abstracto (au moyen des concepts), tandis que les mathématiques peuvent examiner le général in concreto (dans l’intuition particulière), et pourtant au moyen d’une représentation pure à priori, dans laquelle toute faute devient visible. Je donnerais donc plus volontiers aux preuves philosophiques le titre de preuves acroamatiques (discursives) que celui de démonstrations, parce que ces preuves ne peuvent se faire que par des pots (par l’objet en pensée), tandis que, comme l’expression l’indique déjà, les démonstrations pénètrent dans l’intuition de l’objet.

Il suit de tout cela qu’il ne convient pas à la nature de la philosophie, surtout dans le champ de la raison pure, de prendre des airs dogmatiques et de se parer des titres et des insignes des mathématiques, étrangère qu’elle est à leur ordre, bien qu’elle ait toute raison de souhaiter une alliance fraternelle avec elles. Ce sont là de vaines prétentions qui ne sauraient aboutir, mais qui doivent bientôt engager la philosophie à retourner en arrière afin de découvrir les illusions d’une raison qui méconnaît ses bornes, et de ramener, au moyen d’une explication suffisante de nos concepts, les prétentions de la spéculation à une modeste, mais solide connaissance de soi-même. La raison, dans ses recherches transcen-