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DISCIPLINE DE LA RAISON PURE


concept d’une cause en général dans l’intuition que dans un exemple que me fournisse l’expérience. D’ailleurs la philosophie traite de la quantité aussi bien que les mathématiques, par exemple de la totalité, de l’infinité, etc. De leur côté les mathématiques s’occupent aussi de la différence des lignes et des surfaces comme d’espaces de diverses qualités, de la continuité de l’étendue comme de l’une de ses qualités. Mais, bien que dans les cas de ce genre les mathématiques et la philosophie aient un objet commun, la manière de le traiter par la raison n’est pas du tout la même dans les deux sciences. Tandis que la philosophie s’en tient simplement à des concepts généraux, les mathématiques ne peuvent rien faire avec un simple concept, mais elles se hâtent de recourir à l’intuition, où elles considèrent le concept in concreto, non pas pourtant d’une manière empirique, mais dans une intuition qu’elles ont représentée à priori, c’est-à-dire qu’elles ont construite, et dans laquelle ce qui résulte des conditions générales de la construction doit s’appliquer aussi d’une manière générale à l’objet du concept construit.

Que l’on donne à un philosophe le concept d’un triangle, et qu’on le laisse chercher à sa manière le rapport de la somme des angles de ce triangle à l’angle droit. Il n’a rien que le concept d’une figure renfermée entre trois lignes droites, et dans cette figure celui d’un nombre égal d’angles. Or il aura beau réfléchir sur ce concept, il n’en tirera rien de nouveau. Il peut analyser et éclaircir le concept de la ligne droite, ou celui d’un angle, ou celui du nombre trois, mais non pas arriver à d’autres propriétés qui ne sont pas contenues dans ces concepts. Mais que l’on soumette cette question au géomètre. Il com-


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