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DISCIPLINE DE LA RAISON PURE


Il nous importe donc beaucoup de savoir si la méthode qui conduit à la certitude apodictique, et que dans cette dernière science on appelle mathématique, est identique à celle qui sert à chercher cette même certitude dans la philosophie et qui y devrait être appelée dogmatique.

La connaissance philosophique est la connaissance rationnelle par concepts, et la connaissance mathématique la connaissance rationnelle par construction des concepts. Construire un concept, c’est représenter 1[1] à priori l’intuition qui lui correspond. La construction d’un concept exige donc une intuition non empirique, qui par conséquent, comme intuition, soit un objet singulier, mais qui n’en exprime pas moins, comme construction d’un concept (d’une représentation générale), quelque chose d’universel qui s’applique à toutes les intuitions possibles appartenant au même concept. Ainsi je construis un triangle en représentant l’objet correspondant à ce concept soit par la simple imagination dans l’intuition pure, soit même, d’après celle-ci, sur le papier dans l’intuition empirique, mais dans les deux cas tout à fait à priori, sans en avoir tiré le modèle de quelque expérience. La figure particulière ici décrite est empirique, et pourtant elle sert à exprimer le concept sans nuire à son universalité, parce que, dans cette intuition empirique, on ne songe jamais qu’à l’acte de la construction du concept, auquel beaucoup de déterminations sont tout à fait indifférentes, comme celles de la grandeur, des côtés et des angles, et que l’on fait abstraction de ces différences qui ne changent pas le concept du triangle.

  1. * Darstellen. Je voudrais rendre ce mot par un terme spécial (celui de représenter répondant déjà à vorstellen), mais je n’en trouve point dans notre langue. Exposer ou exhiber ne présenteraient ici aucun sens.
    J. B.