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PARALOGISMES DE LA RAISON PURE


un objet de sens extérieurs. Mais cela ne suffit pas à la psychologie rationnelle, qui entreprend de prouver par de simples concepts l’absolue permanence de l’âme au delà de cette vie *[1].

  1. * Ceux qui, pour mettre en avant une nouvelle possibilité, s’imaginent avoir assez fait en nous défiant de trouver une contradiction dans leurs hypothèses (comme font tous ceux qui croient apercevoir la possibilité de la pensée même après cette vie, bien qu’ils n’en trouvent d’exemples que dans les intuitions empiriques de la vie actuelle), ceux-là peuvent être mis dans un grand embarras par d’autres possibilités qui ne sont pas plus hardies. Telle est celle de la division d’une substance simple en plusieurs substances, et réciproquement de la réunion (coalition) de plusieurs en une simple. En effet, si la divisibilité suppose un composé, elle ne suppose pourtant pas nécessairement un composé de substances, mais seulement un composé de degrés (de diverses puissances) d’une seule et même substance. Or, de même que l’on peut concevoir toutes les forces et toutes les facultés de l’âme, même celle de la conscience, diminuées de moitié, mais de telle sorte qu’il reste toujours quelque substance, on peut aussi se représenter sans contradiction cette moitié éteinte comme conservée, non pas dans l’âme, mais hors d’elle. Seulement, comme ici tout ce qui est réel en elle, et par conséquent a un degré, en un mot, comme toute son existence a été diminuée de moitié, sans que rien ne manque, il en résulterait alors une substance particulière hors d’elle. En effet, la pluralité qui a été divisée existait déjà auparavant, non pas comme pluralité de substances, mais de réalités formant le quantum de son existence, et l’unité de la substance n’était qu’une manière d’exister, qui n’a été changée en une pluralité de subsistance que par cette division. De même plusieurs substances simples pourraient à leur tour se réunir en une seule, où rien ne périrait, si ce n’est la pluralité de substance, puisque cette unique substance renfermerait le degré de réalité de toutes les précédentes ensemble. Peut-être les substances simples, qui nous donnent le phénomène d’une matière (par l’effet d’une influence réciproque, non pas sans doute mécanique ou chimique, mais inconnue et dont le degré seul constituerait le phénomène), produisent-elles les âmes des enfants au moyen d’une semblable division dynamique des âmes des parents, considérées comme quantités intensives, lesquelles répareraient leurs pertes en s’unissant à une nouvelle matière de la même espèce. Je suis d’ailleurs bien éloigné d’accorder la moindre valeur à ces rêveries ; aussi bien les principes établis plus haut par l’analytique nous ont-ils suffisamment enjoint de ne faire des catégories (par exemple de celle de la substance) qu’un usage empirique. Mais si, sans aucune intuition par laquelle un objet