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DISCIPLINE DE LA RAISON PURE



CHAPITRE PREMIER


Discipline de la raison pure


Les jugements qui ne sont pas seulement négatifs quant à leur forme logique, mais quant à leur matière, sont en médiocre estime à cause de notre désir de connaître ; on les regarde comme des ennemis jaloux de ce besoin qui nous pousse incessamment à étendre nos connaissances, et il faut presque une apologie pour les faire tolérer, à plus forte raison pour leur concilier l’estime et la faveur.

On peut à la vérité exprimer logiquement sous une forme négative toutes les propositions que l’on veut ; mais quant au contenu de notre connaissance en général, c’est-à-dire quant à la question de savoir si elle est étendue ou restreinte par un jugement, les jugements négatifs ont pour fonction propre d’empêcher simplement l’erreur. Aussi les propositions négatives, qui sont destinées à prévenir une fausse connaissance là où l’erreur n’est jamais possible, sont-elles, il est vrai, incontestables, mais vides, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas du tout appropriées à leur but, et que par cette raison elles sont souvent ridicules. Telle est la proposition de ce rhéteur, qu’Alexandre n’aurait pas pu faire de conquêtes sans armée.

Mais là où les bornes de notre connaissance possible sont très-étroites, l’inclination à juger très-grande, l’apparence très-trompeuse et le préjudice causé par l’erreur