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DU BUT FINAL DE LA DIALECTIQUE NATURELLE


systématique et finale dans la plus grande variété possible. Car, quoique nous ne découvrions ou n’atteignions que peu de cette perfection du monde, c’est cependant le propre de la législation de notre raison de la chercher et de la soupçonner partout, et il doit toujours nous être avantageux, sans que cela puisse jamais nous être nuisible, de diriger d’après ce principe notre contemplation de la nature. Mais sous cette représentation, sous cette idée d’un auteur suprême que je prends pour fondement, il est clair aussi que ce n’est pas l’existence et la connaissance d’un tel être, mais seulement son idée qui me sert de principe, et qu’ainsi je ne dérive proprement rien de cet être, mais seulement de l’idée de cet être, c’est-à-dire de la nature des choses du monde envisagée suivant une telle idée. Aussi une certaine conscience, bien que confuse, du véritable usage de ce concept de notre raison paraît-elle avoir donné naissance au langage discret et réservé des philosophes de tous les temps, qui parlent de la sagesse et de la prévoyance de la nature ou de la sagesse divine comme si c’étaient des expressions synonymes, et qui même préfèrent la première expression, tant qu’ils n’ont affaire qu’à la raison spéculative, parce qu’elle modère notre prétention d’affirmer plus que nous n’avons le droit de le faire, et qu’en même temps elle ramène la raison à son propre champ, la nature.

Ainsi la raison pure, qui d’abord semblait ne nous promettre rien de moins que d’étendre nos connaissances au delà de toutes les limites de l’expérience, ne contient, si nous la comprenons bien, que des principes régulateurs, qui, à la vérité, prescrivent une unité plus grande que celle que peut atteindre l’usage empirique de l’entendement, mais qui, par cela même qu’ils reculent si loin le