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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


unes en dehors des autres et qu’elle n’est pas par conséquent une quantité extensive, on ne saurait cependant lui refuser, pas plus qu’à n’importe quel être, une quantité intensive, c’est-à-dire un degré de réalité relativement à toutes ses facultés et même en général à tout ce qui constitue l’existence, que ce degré peut décroître de plus en plus indéfiniment, et qu’ainsi la prétendue substance (la chose dont la permanence n’est pas d’ailleurs assurée) peut se réduire en rien, sinon par décomposition, du moins par une diminution (remissio) de ses forces (ou par une sorte d’alanguissement 1[1], s’il m’est permis de me servir de cette expression). En effet, la conscience même a toujours un degré, qui peut toujours diminuer *[2] et il en est de même par conséquent de la faculté d’avoir conscience de soi, comme en général de toutes les autres facultés. — La permanence de l’âme, considérée simplement comme objet du sens intérieur, n’est donc nullement démontrée et même elle est indémontrable, bien qu’elle soit claire d’elle-même dans la vie où l’être pensant (comme homme) est en même temps pour soi

  1. 1 Elanguescenz.
  2. * La clarté n’est pas, comme disent les logiciens, la conscience d’une représentation ; car un certain degré de conscience, mais trop faible pour donner lieu au souvenir, doit se rencontrer même dans beaucoup de représentations obscures, puisque, s’il n’y avait point du tout de conscience, nous ne ferions aucune différence dans la liaison des représentations obscures, ce que pourtant nous pouvons faire pour le caractère de certaines idées (comme celles de droit et d’équité, ou celles que le musicien associe, lorsqu’il groupe ensemble plusieurs notes dans une fantaisie). Mais une représentation est claire, lorsque la conscience que nous en avons est telle que nous ayons aussi la conscience de la différence qui la distingue des autres. Que si elle suffit à nous les faire distinguer, sans nous donner la conscience de cette distinction, la représentation doit encore être appelée obscure. Il y a donc un nombre infini de degrés de conscience jusqu’à son extinction.

II. 2