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DU BUT FINAL DE LA DIALECTIQUE NATURELLE


sulter rien de plus, sinon que, là où nous attendions un lien téléologique (nexus finalis), nous n’en trouvions qu’un purement mécanique ou physique (nexus effectivus), ce qui ne nous prive que d’une unité, mais ne nous fait pas perdre l’unité rationnelle dans son usage empirique. Mais ce contre-temps ne peut pas atteindre la loi même dans son but général et téléologique. En effet, bien qu’un anatomiste puisse être convaincu d’erreur, en rapportant quelque organe du corps d’un animal à une fin qui n’en résulte évidemment pas, il est cependant tout à fait impossible de prouver qu’une disposition de la nature, quelle qu’elle soit, n’ait pas du tout de fin. La physiologie (des médecins) étend donc aussi sa connaissance empirique, très-bornée d’ailleurs, des fins de la structure d’un corps organique au moyen d’un principe que fournit seule la raison pure, et qui va jusqu’à nous faire admettre très hardiment, mais aussi avec le consentement de tous les hommes raisonnables, que tout dans l’animal a son utilité et une bonne fin. Mais cette supposition ne saurait être constitutive, car elle va beaucoup plus loin que ne le permettent les observations faites jusqu’ici. Par où l’on voit qu’elle n’est qu’un principe régulateur de la raison, dont nous nous servons pour arriver à l’unité systématique la plus haute, au moyen de l’idée de la causalité finale d’une cause suprême du monde, comme si cette cause avait tout fait, en tant qu’intelligence suprême, d’après le plan le plus sage.

Mais si nous négligeons de restreindre cette idée à un usage purement régulateur, la raison s’égare alors de diverses manières, car elle abandonne le sol de l’expérience, qui doit cependant contenir les jalons de son chemin, pour s’élancer au delà de ce sol, dans l’incom-