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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


quent, sous cette idée ne se cache aucun principe constitutif de son usage, lequel tend à l’expérience possible.

L’unité formelle suprême, qui repose exclusivement sur des concepts rationnels, est l’unité finale 1[1] des choses, et l’intérêt spéculatif de la raison nous oblige à regarder toute ordonnance dans le monde comme si elle était sortie des desseins d’une raison suprême. Un tel principe ouvre en effet à notre raison appliquée au champ des expériences des vues toutes nouvelles qui nous font lier les choses du monde suivant des lois téléologiques et nous conduisent par là à la plus grande unité systématique possible de ces choses. La supposition d’une intelligence suprême, comme cause unique de l’univers, mais qui à la vérité n’est que dans l’idée, peut donc toujours être utile à la raison et ne saurait jamais lui nuire. En effet si, relativement à la figure de la terre (qui est ronde, mais quelque peu aplatie *[2]), des montagnes et des mers, etc., nous admettons d’avance de sages desseins d’un auteur suprême, nous pouvons faire dans cette voie une multitude de découvertes. Si nous nous en tenons à cette supposition comme à un principe purement régulateur, l’erreur même ne peut pas nous être nuisible. En effet il n’en peut ré-

  1. 1 Zweckmässige.
  2. * L’avantage qui résulte de la forme sphérique de la terre est assez connu ; mais peu de personnes savent que son aplatissement, qui la fait ressembler à un sphéroïde, est le seul obstacle qui empêche les saillies du continent ou même de plus petites montagnes qui peuvent être soulevées par un tremblement de terre, de changer continuellement et d’une manière grave en assez peu de temps l’axe de la terre, comme il arriverait si le renflement de la terre sous la ligne n’était pas une montagne assez forte pour que la secousse de toute autre montagne ne puisse jamais changer notablement sa situation relativement à l’axe. Et cependant on n’hésite pas à expliquer cette sage disposition par l’équilibre de la masse terrestre, autrefois fluide.