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DU BUT FINAL DE LA DIALECTIQUE NATURELLE


régulateur et comme maxime servant à favoriser et à affermir à l’infini (d’une manière indéterminée) l’usage empirique de la raison, en lui ouvrant de nouvelles voies que l’entendement ne connaît pas, sans jamais être en rien contraire aux lois de cet usage.

Mais la raison ne peut concevoir cette unité systématique sans donner en même temps à son idée un objet, lequel d’ailleurs ne peut être donné par aucune expérience ; car l’expérience ne fournit jamais un exemple d’une parfaite unité systématique. Cet être de raison (ens rationis ratiocinatœ) n’est, à la vérité, qu’une simple idée, et par conséquent il n’est pas admis absolument et en soi comme quelque chose de réel ; nous ne le prenons pour fondement que d’une manière problématique (car nous ne saurions l’atteindre par aucun concept de l’entendement), afin d’envisager toute liaison des choses du monde sensible comme si elles avaient leur principe dans cet être de raison, mais uniquement dans le dessein d’y fonder l’unité systématique qui est indispensable à la raison, et qui est avantageuse de toutes façons à la connaissance empirique de l’entendement, sans jamais pouvoir lui être contraire.

On méconnaît le sens de cette idée quand on la tient pour l’affirmation ou même pour la supposition d’une chose réelle, à laquelle on voudrait attribuer le principe de la constitution systématique du monde. On doit au contraire laisser tout à fait indécise la question de savoir quelle est en soi la nature de ce principe qui se soustrait à nos concepts, et ne faire de l’idée que le point de vue duquel seul on peut étendre cette unité si essentielle à la · raison et si salutaire à l’entendement. En un mot, cette chose transcendentale n’est que le schème de ce principe