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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


soi et comme si elle n’avait pas de terme suprême, sans nier, pour cela qu’en dehors de tous les phénomènes il n’y ait des causes premières, purement intelligibles, de ces phénomènes, mais aussi sans jamais nous permettre de les introduire dans l’ensemble des explications naturelles, puisque nous ne les connaissons pas du tout. En troisième lieu enfin (au point de vue de la théologie), nous devons considérer tout ce qui ne peut appartenir qu’à l’ensemble de l’expérience possible, comme si elle formait une unité absolue, mais entièrement dépendante et toujours conditionnelle dans les limites du monde sensible, et comme si en même temps l’ensemble de tous les phénomènes (le monde sensible lui-même) avait, en dehors de sa sphère, un principe suprême unique et absolument suffisant, c’est-à-dire une raison originaire et créatrice subsistant par elle-même. D’après cette idée nous réglons tout usage empirique de notre raison, dans sa plus grande extension : comme si les objets mêmes étaient sortis de ce prototype de toute raison. Cela ne veut pas dire que les phénomènes intérieurs de l’âme dérivent d’une substance pensante simple, mais seulement qu’ils dérivent les uns des autres suivant l’idée d’un être simple ; de même cela ne veut pas dire que l’ordre du monde et son unité systématique dérivent d’une intelligence suprême, mais qu’ils tirent de l’idée d’une cause souverainement sage la règle d’après laquelle la raison doit procéder pour sa plus grande satisfaction dans la liaison des causes et des effets dans le monde.

Rien ne nous empêche d’admettre aussi ces idées comme objectives et hypostatiques, à l’exception seulement de l’idée cosmologique où la raison se heurte contre une