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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE

Que quelque chose soit donné à ma raison comme un objet absolument 1[1], ou seulement comme un objet en idée 2[2], cela fait une grande différence. Dans le premier cas, mes concepts ont pour but de déterminer l’objet ; dans le second, il n’y a réellement qu’un schème, auquel aucun objet n’est donné directement, ni même hypothétiquement, mais qui sert uniquement à représenter d’autres objets dans leur unité systématique, au moyen d’un rapport avec cette idée, et par conséquent d’une manière indirecte. Ainsi je dis que le concept d’une intelligence suprême est une simple idée, c’est-à-dire que sa réalité objective ne peut consister en ce qu’il se rapporte directement à un objet (car en ce sens nous ne saurions justifier sa valeur objective), mais qu’il n’est qu’un schème du concept d’une chose en général, ordonné suivant les conditions de la plus grande unité rationnelle et servant uniquement à maintenir la plus grande unité systématique dans l’usage empirique de notre raison, où l’on dérive en quelque sorte l’objet de l’expérience de l’objet imaginaire de cette idée comme de son principe ou de sa cause. Cela revient à dire, par exemple, que les choses du monde doivent être envisagées comme si elles tenaient leur existence d’une intelligence suprême. De cette manière l’idée n’est proprement qu’un concept euristique et non ostensif (1)[3], et elle montre, non pas quelle est la nature d’un objet, mais comment, sous sa direction, nous devons chercher la nature et l’enchaînement des objets de

  1. 1 Als ein Gegenstand schlechthin.
  2. 2 Als ein Gegenstand in der Idee.
  3. (1) Ce sont les termes mêmes employés par Kant ; ce qui suit en explique d’ailleurs suffisamment le sens. J. B.