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DE L’USAGE RÉGULATEUR DES IDÉES


et premiers qui soient en quelque sorte isolés et séparés les uns des autres (par un espace vide), et que tous les genres divers ne sont que des divisions d’un genre suprême, unique et universel. De ce principe dérive cette conséquence immédiate : datur continuum formarum, c’est-à-dire que toutes les différences des espèces touchent les unes aux autres et ne permettent pas que l’on passe de celle-ci à celle-là par un saut brusque, mais seulement par tous les degrés inférieurs de la différence, c’est-à-dire en un mot qu’il n’y a pas d’espèces et de sous-espèces qui soient (dans le concept de la raison) les plus rapprochées entre elles, mais qu’il y a encore et toujours entre elles des espèces intermédiaires qui diffèrent moins les unes des autres que de la première et de la seconde.

La première loi empêche donc qu’on ne s’égare dans la variété des divers genres originaires et recommande l’homogénéité ; la seconde limite au contraire ce penchant pour l’uniformité et ordonne que l’on tienne compte de la distinction des sous-espèces avant de se tourner avec son concept général vers l’individu. La troisième réunit les deux autres en faisant de l’homogénéité une règle jusque dans la plus extrême variété au moyen d’un passage graduel d’une espèce à l’autre, ce qui annonce une sorte de parenté entre différentes branches sortant toutes d’un même tronc.

Mais cette loi logique du continuum specierum (formarum logicarum) présuppose une loi transcendentale (lex continui in natura) sans laquelle elle pourrait bien égarer l’entendement en lui faisant prendre un chemin opposé à celui de la nature. Cette loi doit donc reposer sur des principes purement transcendentaux et non sur des