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DE L’USAGE RÉGULATEUR DES IDÉES


s’arrête dans la distinction de la diversité, quand elle n’est pas guidée par la loi transcendentale de la spécification, qui, la précédant à titre de principe de la raison, la pousse à chercher toujours cette diversité et à ne pas cesser de la soupçonner alors même qu’elle ne se montre pas à nos sens. Pour découvrir qu’il y a des terres absorbantes de diverses espèces (les terres calcaires et les terres muriatiques), il a fallu une règle antérieure de la raison qui proposât à l’entendement ce problème de chercher la différence, en supposant la nature assez riche pour qu’on pût l’y soupçonner. En effet il n’y a d’entendement possible pour nous que sous la supposition des différences dans la nature, de même qu’il n’est possible que sous la condition que les objets de la nature aient entre eux de l’homogénéité, puisque la variété de ce qui peut être compris sous un concept constitue l’usage de ce concept et l’occupation de l’entendement.

La raison prépare donc à l’entendement son champ : 1o par le principe de l’homogénéité du divers sous des genres supérieurs ; 2o par celui de la variété de l’homogène sous des espèces inférieures ; et, pour compléter l’unité systématique, elle y joint encore 3o la loi de l’affinité de tous les concepts, c’est-à-dire une loi qui ordonne de passer continuellement de chaque espèce à chaque autre au moyen de l’accroissement graduel de la diversité. Nous pouvons nommer ces principes les principes de l’homogénéité, de la spécification et de la continuité des formes. Le dernier résulte de l’union que l’on établit entre les deux premiers, lorsqu’en s’élevant à des genres supérieurs, aussi bien qu’en descendant à des espèces inférieures, on a accompli en idée l’unité systématique ; car alors


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