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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


téressé de l’idée d’après laquelle chacun suppose que cette unité rationnelle est conforme à la nature même, et que la raison, ici ne prie pas, mais commande, bien qu’elle ne puisse déterminer les limites de cette unité.

S’il y avait entre les phénomènes qui s’offrent à nous une si grande diversité, je ne dis pas quant à la forme (car ils peuvent se ressembler sous ce rapport), mais quant à la matière, c’est-à-dire à la variété des êtres existants, que même l’intelligence humaine la plus pénétrante ne pût trouver, en les comparant les uns avec les autres, la moindre ressemblance entre eux (c’est là un cas que l’on peut bien concevoir), il n’y aurait plus place alors pour la loi logique des espèces ; il n’y aurait même plus de concept de genre, ou de concept général, et par conséquent plus d’entendement, puisque l’entendement n’a affaire qu’à des concepts généraux. Le principe logique des genres suppose donc un principe transcendental, pour pouvoir être appliqué à la nature (par où je n’entends ici que les objets qui nous sont donnés). Suivant ce principe, dans la diversité d’une expérience possible l’homogénéité est nécessairement supposée (bien que nous n’en puissions déterminer le degré à priori), parce que, sans cette homogénéité, il n’y aurait plus de concepts empiriques, partant plus d’expérience possible.

Au principe logique des genres, qui postule l’identité, est opposé un autre principe, celui des espèces, qui, malgré l’accord des choses sous un même genre, a besoin de leur variété et de leurs diversités, et qui prescrit à l’entendement de ne pas faire moins attention aux espèces qu’aux genres. Ce principe (de pénétration ou de discernement) tempère beaucoup la légèreté du premier (de l’esprit), et la raison se trouve placée ici entre deux in-