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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


damentale, s’il lui était loisible d’accorder qu’il est également possible que toutes les forces soient hétérogènes, et que l’unité systématique de leur dérivation ne soit pas conforme à la nature ? car alors elle agirait contrairement à sa destination en se proposant pour but une idée tout à fait opposée à la constitution de la nature. On ne peut pas dire non plus qu’elle ait tiré d’abord de la constitution contingente de la nature cette unité conforme à ses principes. En effet la loi de la raison qui veut qu’on la cherche est nécessaire, puisque sans cette loi il n’y aurait plus de raison, sans raison plus d’usage régulier de l’entendement, sans cet usage plus de marque suffisante de la vérité empirique, et que par conséquent nous devons, en vue de celle-ci, présupposer l’unité systématique de la nature comme ayant une valeur objective et comme nécessaire.

Cette supposition transcendentale, nous la trouvons cachée d’une manière étonnante dans les principes des philosophes, bien qu’ils ne l’y aient pas toujours reconnue ou ne se la soient pas avouée à eux-mêmes. Que toutes les diversités des choses individuelles n’excluent pas l’identité de l’espèce, que les diverses espèces doivent être traitées comme les différentes déterminations d’un petit nombre de genres, et ceux-ci comme dérivant de classes plus élevées encore ; que par conséquent il faille chercher une certaine unité systématique de tous les concepts empiriques possibles, en tant qu’ils peuvent être dérivés de concepts plus élevés et plus généraux ; c’est là une règle d’école ou un principe logique sans lequel il n’y aurait plus d’usage de la raison, puisque nous ne pouvons conclure du général au particulier qu’autant que