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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


ques des matières entre elles suivant l’idée d’un mécanisme. En effet, bien que l’on ne s’exprime pas réellement ainsi, cette influence de la raison sur les divisions des physiciens n’est pas difficile à apercevoir.

Si la raison est une faculté de dériver le particulier du général, alors de deux choses l’une : ou bien le général est déjà certain en soi et donné ; dans ce cas il n’exige que du jugement pour faire la subsomption, et le particulier est nécessairement déterminé par là. C’est ce que j’appellerai l’usage apodictique de la raison. Ou bien, le général n’est admis que d’une manière problématique et il n’est qu’une simple idée ; le particulier est certain, mais l’universalité de la règle par rapport à cette conséquence est encore un problème : on rapproche alors de la règle plusieurs cas particuliers, qui tous sont certains, afin de voir s’ils en découlent, et dans ce cas, s’il y a apparence que tous les cas particuliers qu’on peut trouver en dérivent, on conclut à l’universalité de la règle, puis de celle-ci à tous les cas qui ne sont pas donnés en soi. C’est ce que je nommerai l’usage hypothétique de la raison.

L’usage hypothétique de la raison, qui se fonde sur des idées admises comme concepts problématiques, n’est pas proprement constitutif ; je veux dire qu’il n’est pas de telle nature qu’à juger en toute rigueur on en puisse déduire la vérité de la règle générale prise pour hypothèse. En effet comment veut-on connaître toutes les conséquences possibles, qui, dérivant d’un même principe, en prouvent l’universalité ? Cet usage n’est donc que régulateur, c’est-à-dire qu’il sert à mettre, autant qu’il est possible, de l’unité dans les connaissances particulières et à rapprocher ainsi la règle de l’universalité.