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CRITIQUE DE TOUTE THÉOLOGIE SPÉCULATIVE


temps de mettre de côté toutes les assertions contraires, qu’elles soient athées, déistes ou anthropomorphiques, ce qui est très-aisé dans un examen critique de ce genre, puisque les mêmes preuves qui démontrent l’impuissance de la raison humaine à l’endroit de l’affirmation de l’existence d’un tel être, suffisent nécessairement aussi pour démontrer la vanité de toute assertion contraire. En effet comment veut-on s’assurer par la pure spéculation de la raison qu’il n’y a pas d’être suprême, comme principe premier de tout, ou qu’aucune des propriétés que nous nous représentons, d’après leurs effets, comme analogues aux réalités dynamiques d’un être pensant, ne lui convient, ou que, dans ce dernier cas, elles seraient soumises aussi à toutes les restrictions que la sensibilité impose inévitablement aux intelligences que nous connaissons par expérience ?

L’être suprême demeure donc pour l’usage purement spéculatif de la raison un simple idéal, mais un idéal exempt de défauts 1[1], un concept qui termine et couronne toute la connaissance humaine. La réalité objective de ce concept ne peut être prouvée par cette voie, mais elle ne peut pas non plus être réfutée ; et, s’il y a une théologie morale capable de combler cette lacune, la théologie transcendentale, qui jusque-là n’était que problématique, montre alors combien elle est indispensable en déterminant le concept de cette théologie et en soumettant à une censure incessante une raison assez souvent abusée par la sensibilité et qui n’est pas toujours d’accord avec ses propres idées. La nécessité, l’infinité, l’unité,

  1. 1 Fehlerfreies.