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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


trouvée analytiquement, puisque la connaissance de l’existence de l’objet consiste précisément en ce qu’il est posé par lui-même hors de la pensée. Mais il est absolument impossible de sortir par soi-même d’un concept, et, en abandonnant le fil de l’expérience (qui ne nous donne jamais que des phénomènes), de parvenir à la découverte de nouveaux objets et d’êtres transcendants.

Mais, bien que la raison dans son usage purement spéculatif ne soit pas à beaucoup près capable d’atteindre un but si élevé, je veux dire l’existence d’un être suprême, elle n’en a pas moins ce très-grand avantage d’en rectifier la connaissance, dans le cas où cette connaissance pourrait être puisée quelque part ailleurs, de la mettre d’accord avec elle-même et avec toute fin intelligible, de la purifier de tout ce qui pourrait être contraire au concept d’un être premier et d’en exclure tout mélange de limitations empiriques.

La théologie transcendentale conserve donc, malgré toute son insuffisance, une utilité négative très-importante : elle est une censure continuelle de notre raison, quand celle-ci n’a affaire qu’à des idées pures, qui par là même ne permettent pas une autre mesure qu’une mesure transcendentale. En effet, si une fois, à un autre point de vue, peut-être au point de vue pratique, l’hypothèse d’un être suprême et absolument suffisant, comme intelligence suprême, établissait sa valeur sans contradiction, il serait alors de la plus grande importance de déterminer exactement ce concept par son côté transcendental, comme celui d’un être nécessaire et souverainement réel, d’en écarter ce qui est contraire à la suprême réalité, ce qui appartient au pur phénomène (à l’anthropomorphisme dans le sens le plus large), et en même