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CRITIQUE DE TOUTE THÉOLOGIE SPÉCULATIVE

Si l’on aimait mieux révoquer en doute toutes les démonstrations précédentes de l’analytique, que de se laisser enlever toute confiance dans la valeur de preuves depuis si longtemps employées, on ne saurait cependant refuser de satisfaire à ma réclamation, quand je demande qu’on justifie du moins les moyens et les lumières auxquels on se fie pour dépasser toute expérience possible par la puissance des seules idées. Je prierai que l’on me fasse grâce de nouvelles preuves, ou d’un remaniement des anciennes. En effet, bien qu’on n’ait pas ici beaucoup de choix ; puisqu’enfin toutes les preuves purement spéculatives aboutissent à une seule, à la preuve ontologique, et qu’ainsi je n’aie point à craindre d’être extrêmement accablé par la fécondité des défenseurs dogmatiques de cette raison affranchie des sens ; bien qu’en outre, sans me croire pour cela très-batailleur, je ne veuille reculer devant le défi de découvrir dans chaque essai de ce genre le paralogisme caché et d’en rabattre ainsi les prétentions ; comme l’espérance d’un meilleur succès n’abandonnera jamais entièrement ceux qui sont une fois accoutumés à la persuasion dogmatique, je m’en tiens à cette unique et juste réclamation : c’est que l’on justifie par des raisons générales et tirées de la nature de l’entendement humain, ainsi que de toutes les autres sources de connaissance, la manière dont on prétend s’y prendre pour étendre tout à fait à priori sa connaissance, et la pousser jusqu’à un point où aucune expérience possible et par conséquent aucun moyen ne sauraient plus garantir à un concept formé par nous-mêmes sa réalité objective. De quelque manière que l’entendement soit arrivé à ce concept, l’existence de l’objet n’y peut être


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