Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
IMPOSSIBILITÉ DE LA PREUVE PHYSIQUE


nécessité de la cause première on s’élève à un concept de cet être qui est complètement déterminé ou déterminant, c’est-à-dire au concept d’une réalité qui embrasse tout. La preuve physico-théologique se trouve donc arrêtée au milieu de son entreprise ; dans son embarras elle saute tout à coup à la preuve cosmologique : et, comme celle-ci n’est qu’une preuve ontologique déguisée, la première n’atteint réellement son but qu’au moyen de la raison pure, quoiqu’elle ait commencé par repousser toute parenté avec elle, et qu’elle ait voulu tout fonder sur des preuves tirées de l’expérience.

Les partisans de la théologie physique 1[1] ont donc tort de traiter si dédaigneusement la preuve transcendentale, et de la regarder, avec la présomption de naturalistes clairvoyants, comme une toile d’araignée ourdie par des esprits obscurs et subtils. En effet, s’ils voulaient seulement s’examiner eux-mêmes, ils trouveraient qu’après avoir fait une bonne traite sur le sol de la nature et de l’expérience, se voyant toujours également éloignés de l’objet qui apparaît en face de leur raison, ils abandonnent tout à coup ce terrain et se précipitent dans la région des pures possibilités, où ils espèrent s’approcher, sur les ailes des idées, de ce qui avait échappé à toutes leurs recherches empiriques. Une fois qu’ils se sont imaginé, grâce à un si grand saut, avoir enfin le pied ferme, ils étendent sur tout le champ de la création le concept maintenant déterminé (en possession duquel ils sont arrivés sans savoir comment) ; et cet idéal, qui n’était qu’un produit de la raison pure, ils l’expliquent, d’une manière, il est vrai, assez pénible et bien indigne de son

  1. 1 Die Physicotheologen.