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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


compare à lui-même et à sa faculté de compréhension, et ils ont toujours la même valeur d’estimation, soit que l’on grandisse l’objet, ou que l’on rapetisse, par rapport à lui, le sujet qui observe. Dès qu’il s’agit de la grandeur (de la perfection) d’une chose en général, il n’y a de concept déterminé que celui qui comprend toute la perfection possible, et il n’y a que le tout (omnitudo) de la réalité qui soit complètement déterminé dans le concept. Or je ne puis croire que quelqu’un se vante d’apercevoir le rapport de la grandeur du monde par lui observé (quant à l’étendue et au contenu) à la toute-puissance, de l’ordre du monde à la suprême sagesse, de l’unité du monde à l’absolue unité de son auteur, etc. La théologie physique ne saurait donc nous donner un concept déterminé de la cause suprême du monde, et c’est pourquoi elle est hors d’état de fournir un principe suffisant à la théologie, laquelle à son tour doit former le fondement de la religion.

Le pas qui conduit à l’absolue totalité est absolument impossible par la voie empirique. C’est cependant ce pas que l’on prétend faire dans la preuve physico-théologique. Quel est donc le moyen qu’on emploie pour franchir un tel abîme ?

Après en être venu à admirer la grandeur de la sagesse, de la puissance, etc., de l’auteur du monde, ne pouvant aller plus loin, on abandonne tout à coup cet argument qui se fondait sur des preuves empiriques, et l’on passe à la contingence du monde, conclue, dès le début, de l’ordre et de la finalité qui s’y trouvent. De cette contingence on s’élève maintenant, au moyen de concepts purement transcendentaux, jusqu’à l’existence d’un être absolument nécessaire, et du concept de l’absolue