Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


nature, en même temps qu’il en tire sa propre existence et qu’il y puise toujours de nouvelles forces. Il conduit à des fins et à des desseins que notre observation n’aurait pas découverts d’elle-même, et il étend notre connaissance de la nature en nous donnant pour fil conducteur une unité particulière dont le principe est en dehors de la nature même. Cette connaissance réagit à son tour sur sa cause, c’est-à-dire sur l’idée qui l’a suggérée, et elle élève notre croyance en un suprême auteur du monde jusqu’à la plus irrésistible conviction.

Ce serait donc vouloir non-seulement nous retirer une consolation, mais même tenter l’impossible que de prétendre enlever quelque chose à l’autorité de cette preuve. La raison, incessamment élevée par des arguments si puissants et qui s’accroissent sans cesse sous sa main, quoiqu’ils soient purement empiriques, ne peut être tellement rabaissée par les incertitudes d’une spéculation subtile et abstraite, qu’elle ne doive être arrachée à toute irrésolution sophistique comme à un songe, à la vue des merveilles de la nature et de la structure majestueuse du monde, pour parvenir de grandeur en grandeur jusqu’à la grandeur la plus haute, et de condition en condition jusqu’à l’auteur suprême et absolu des choses.

Quoique nous n’ayons rien à objecter contre ce qu’il y a de raisonnable et d’utile dans cette manière de procéder, et que notre intention soit plutôt de la recommander et d’y encourager les esprits, nous ne pouvons cependant approuver les prétentions que cet argument pourrait élever à une certitude apodictique et à une adhésion qui n’aurait besoin d’aucune faveur ni d’aucun appui étranger. On ne saurait nuire à la bonne cause