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IMPOSSIBILITÉ DE LA PREUVE PHYSIQUE


voyons une chaîne d’effets et de causes, de fins et de moyens, la régularité dans l’apparition ou la disparition des choses ; et, comme rien n’est arrivé de soi-même à l’état où il se trouve, cet état nous renvoie toujours à une autre chose comme à sa cause, laquelle à son tour appelle la même question, de telle sorte que le tout finirait par s’abîmer dans le gouffre du néant, si l’on n’admettait quelque chose qui, existant par soi-même originairement et d’une manière indépendante en dehors de cette infinie contingence, lui servît de soutien, et qui, cause de son origine, assurât aussi sa durée. Mais cette cause suprême (par rapport à toutes les choses du monde), quelle grandeur devons-nous concevoir en elle ? Nous ne connaissons pas le monde dans toute son étendue ; nous pouvons encore moins estimer sa grandeur en le comparant à tout ce qui est possible. Mais qu’est-ce qui nous empêche, dès qu’une fois nous avons besoin, au point de vue de la causalité, d’un être dernier et suprême, de le placer, quant au degré de perfection, au-dessus de tout autre possible ? Il nous est facile de le faire, bien que nous devions nous contenter de la légère esquisse d’un concept abstrait, en nous représentant réunies en lui, comme en une substance unique, toutes les perfections possibles, et ce concept, favorable aux exigences de la raison dans l’économie des principes, ne renferme en lui-même aucune contradiction ; il sert même à étendre l’usage de la raison au milieu de l’expérience en la dirigeant vers l’ordre et la finalité, et jamais il n’est décidément contraire à l’expérience.

Cet argument mérite d’être toujours rappelé avec respect. C’est le plus ancien, le plus clair et le mieux approprié à la raison commune. Il vivifie l’étude de la