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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE

D’après ces considérations l’idéal de l’être suprême n’est autre chose qu’un principe régulateur de la raison, qui consiste à regarder toute liaison dans le monde comme si elle dérivait d’une cause nécessaire absolument suffisante, afin d’y fonder la règle d’une unité systématique et nécessaire suivant des lois générales dans l’explication de cette liaison ; il n’est point l’affirmation d’une existence nécessaire en soi. Mais en même temps on ne peut éviter de se représenter, en vertu d’une subreption transcendentale, ce principe formel comme un principe constitutif, et de concevoir cette unité hypostatiquement. En effet tout comme l’espace, bien qu’il ne soit qu’un principe de la sensibilité, n’en est pas moins regardé comme quelque chose d’existant en soi et comme un objet donné en soi à priori, parce qu’il rend originairement possibles toutes les figures, lesquelles n’en sont que des limitations diverses ; de même, l’unité systématique de la nature ne pouvant être en aucune façon présentée comme le principe de l’usage empirique de notre raison qu’autant que nous prenons pour fondement l’idée d’un être souverainement réel comme cause suprême, il arrive, tout naturellement que cette idée est représentée comme un objet réel, et celui-ci à son tour comme nécessaire, parce qu’il est la condition suprême, et qu’ainsi un principe régulateur est transformé en un principe constitutif. Cette substitution se révèle manifestement en ce que, quand je regarde comme une chose en soi cet être suprême, qui était absolument (inconditionnellement) nécessaire par rapport au monde, cette nécessité n’est susceptible d’aucun concept, et qu’ainsi elle ne doit s’être trouvée dans ma raison que comme condi-