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EXPLICATION DE L’APPARENCE DIALECTIQUE


ment à cette existence : elle peut toujours et sans conteste la supprimer dans la pensée ; mais aussi l’absolue nécessité n’était-elle pour eux que dans la pensée. Il fallait donc, dans cette persuasion, qu’un certain principe régulateur servît de fondement. Dans le fait l’étendue et l’impénétrabilité (qui ensemble constituent le concept de matière) sont aussi le principe empirique suprême de l’unité des phénomènes, et ce principe, en tant qu’il est empiriquement inconditionnel, a la propriété d’un principe régulateur. Pourtant, comme toute détermination de la matière qui en constitue le réel, comme aussi, par conséquent, l’impénétrabilité est un effet (un acte) qui doit avoir sa cause et qui par conséquent n’est toujours que dérivé, la matière ne se prête pas à l’idée d’un être nécessaire comme principe de toute unité dérivée. Puisque chacune de ses propriétés réelles n’est, en tant que dérivée, que conditionnellement nécessaire, et que par conséquent elle peut être supprimée en soi, et avec elle toute l’existence de la matière, et que, si cela n’était pas, nous aurions atteint empiriquement le principe suprême de l’unité, ce que nous défend le second principe régulateur, il suit que la matière, ou en général ce qui appartient au monde, n’est pas applicable à l’idée d’un être premier et nécessaire comme simple principe de la plus grande unité empirique possible, et que nous devons placer cet être hors du monde : alors en effet nous pouvons toujours dériver avec confiance les phénomènes du monde et leur existence d’autres phénomènes, comme s’il n’y avait pas d’être nécessaire, et nous pouvons cependant tendre sans cesse à l’achèvement de la dérivation, comme si un tel être était supposé à titre de principe suprême.