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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE

concernant que l’intérêt formel de la raison. En effet l’un de ces principes nous dit que nous devons philosopher sur la nature, comme s’il y avait pour tout ce qui appartient à l’existence un premier principe nécessaire, afin uniquement de mettre dans notre connaissance de l’unité systématique, en suivant une telle idée, je veux dire un principe suprême imaginaire. L’autre, de son côté : nous avertit de n’admettre comme principe suprême de ce genre, c’est-à-dire comme absolument nécessaire, aucune détermination concernant l’existence des choses, mais de tenir toujours la porte ouverte à une explication ultérieure, et par conséquent de ne regarder jamais aucune de ces déterminations que comme conditionnelle. Mais si tout ce qui est perçu dans les choses doit être nécessairement regardé comme conditionnel, aucune chose (pouvant être donnée empiriquement) ne peut être regardée comme absolument nécessaire.

Il suit de là que nous devons admettre l’absolument nécessaire hors du monde, puisqu’il doit uniquement servir de principe à la plus grande unité possible des phénomènes, comme leur raison suprême, et que nous ne pouvons jamais y parvenir dans le monde, parce que la seconde règle nous ordonne de regarder toujours comme dérivées toutes les causes empiriques de l’unité.

Les philosophes de l’antiquité regardaient toutes les formes de la nature comme contingentes, et la matière comme étant, au jugement de la raison commune, originelle et nécessaire. Mais si, au lieu d’envisager la matière d’une manière relative, comme substratum des phénomènes, ils l’avaient considérée en elle-même, dans son existence, l’idée de l’absolue nécessité se serait aussitôt évanouie. En effet il n’y a rien que la raison lie absolu-