Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
201
IMPOSSIBILITÉ DE LA PREUVE COSMOLOGIQUE


qui est suffisant pour comprendre par son concept la nécessité de l’existence, car si nous pouvions le faire, nous n’aurions besoin d’aucune supposition empirique ; non, nous ne cherchons que la condition négative (conditio sine qua non) sans laquelle un être ne serait pas absolument nécessaire. Or cela irait bien dans toute autre espèce de raisonnement concluant d’une conséquence donnée à son principe ; mais il se trouve malheureusement ici que la condition exigée pour la nécessité absolue ne peut se rencontrer que dans un seul être, qui devrait ainsi renfermer dans son concept tout ce qui est requis pour la nécessité absolue, et qui par conséquent permet de conclure à priori à cette nécessité. Ce qui revient à dire que je devrais pouvoir aussi conclure réciproquement que la chose à laquelle convient ce concept (de la suprême réalité) est absolument nécessaire, et que, si je ne puis conclure ainsi (ce qu’il faut bien que j’avoue si je veux éviter la preuve ontologique) : je ne serai pas plus heureux dans cette nouvelle voie, et me retrouverai toujours au point d’où je suis parti. Le concept de l’être suprême satisfait bien à priori à toutes les questions qui peuvent être élevées sur les déterminations internes d’une chose, et c’est aussi pour cette raison un idéal sans pareil, puisque le concept universel le désigne en même temps comme un individu entre toutes les choses possibles ; mais il ne satisfait pas à la question de sa propre existence, ce qui était pourtant le point capital ; et, si quelqu’un, admettant l’existence d’un être nécessaire, voulait seulement savoir quelle chose entre toutes les autres devrait être regardée comme telle, on ne saurait lui répondre : voilà l’être nécessaire.

Il peut bien être permis d’admettre l’existence d’un