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IMPOSSIBILITÉ DE LA PREUVE COSMOLOGIQUE


Je pourrais donc (dans ce cas) convertir aussi la proposition absolument, en disant : tout être souverainement réel est un être nécessaire. Or, comme cette proposition est déterminée à priori par ses seuls concepts, le simple concept de l’être souverainement réel doit impliquer aussi l’absolue nécessité de cet être. C’est précisément ce qu’affirmait la preuve ontologique, mais ce que la preuve cosmologique ne voulait pas reconnaître, et ce qu’elle n’en supposait pas moins dans ses conclusions, bien que d’une manière cachée.

Ainsi la seconde voie que suit la raison spéculative pour démontrer l’existence de l’être suprême n’est pas seulement aussi fausse que la première, mais elle a de plus ce défaut de tomber dans le sophisme appelé ignoratio elenchi, en nous promettant de nous ouvrir un nouveau sentier, et en nous ramenant, après un léger détour, à celui que nous avions quitté pour elle.

J’ai dit plus haut brièvement que dans cet argument cosmologique se cachait toute une nichée de prétentions dialectiques que la critique transcendentale peut aisément découvrir et détruire. Je vais me borner à les indiquer, en laissant au lecteur déjà exercé le soin de scruter plus à fond et de réfuter les faux principes.

On y trouve donc, par exemple : 1° le principe transcendental, de conclure du contingent à une cause, principe qui n’a de valeur que dans le monde sensible, et qui n’a plus même aucun sens en dehors de ce monde. En effet le concept purement intellectuel du contingent ne peut produire aucune proposition synthétique telle que celle de la causalité, et le principe de celle-ci n’a de valeur et d’usage que dans le monde sensible ; or il faudrait ici qu’il servît précisément à sortir de ce monde. 2° Le rai-