Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
198
DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


cessité absolue est une existence purement intelligible. Or, si je dis que le concept de l’ens realissimum est un concept de ce genre, et qu’il est le seul qui soit conforme et adéquat à l’existence nécessaire, je dois accorder aussi que celle-ci en peut être conclue. C’est donc proprement la preuve ontologique par simples concepts qui fait toute la force de la prétendue preuve cosmologique, et l’expérience que l’on allègue ne sert tout au plus qu’à nous conduire au concept de la nécessité absolue, mais non à la démontrer dans une chose déterminée. En effet, dès que nous nous proposons ce but, nous devons abandonner aussitôt toute expérience et chercher parmi les purs concepts celui d’entr’eux qui contient les conditions de la possibilité d’un être absolument nécessaire. Mais si la possibilité d’un tel être se reconnaît de cette manière, son existence est aussi démontrée, car cela revient à dire : dans tout le possible il n’y a qu’un être qui implique la nécessité absolue, et par conséquent cet être existe d’une manière absolument nécessaire.

Tout ce qu’il y a de fallacieux dans un raisonnement se découvre aisément, quand on expose l’argument sous sa forme scolastique. C’est ce que nous allons faire.

Si cette proposition : tout être absolument nécessaire est en même temps l’être souverainement réel (ce qui est le nervus probandi de la preuve cosmologique), est juste, elle doit, comme tous les jugements affirmatifs, pouvoir se convertir, au moins per acccidens, ce qui donnerait lieu à celle-ci : quelques êtres souverainement réels sont en même temps des êtres absolument nécessaires. Mais un ens realissimum ne se distingue d’un autre sous aucun rapport, et par conséquent ce qui s’applique à quelques êtres renfermés sous ce concept s’applique aussi à tous.