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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


au moins moi-même ; donc un être absolument nécessaire existe. La mineure contient une expérience, et la majeure conclut d’une expérience en général à l’existence du nécessaire *[1]. La preuve commence donc proprement par l’expérience, et par conséquent elle n’est pas tout à fait déduite à priori, ou ontologiquement ; et, comme l’objet de toute expérience possible s’appelle le monde, on la nomme pour cette raison la preuve cosmologique. Comme elle fait d’ailleurs abstraction de toute propriété particulière des objets de l’expérience, par laquelle ce monde se distingue de tout autre possible, elle se distingue déjà, par son titre même, de la preuve physico-théologique, qui cherche ses arguments dans des observations tirées de la nature particulière de notre monde sensible.

Mais la preuve va plus loin : l’être nécessaire ne peut être déterminé que d’une seule manière, c’est-à-dire, relativement à tous les prédicats opposés possibles, que par l’un d’eux, et par conséquent il doit être complétement déterminé par son concept. Or il ne peut y avoir qu’un seul concept de chose qui détermine complètement cette chose à priori, le concept de l’ens realissimus. Le concept de l’être souverainement réel est donc le seul par lequel un être nécessaire puisse être conçu, c’est-à-dire qu’il existe nécessairement un être suprême.

Il y a tant de propositions sophistiques réunies dans

  1. * Cette argumentation est trop connue pour qu’il soit nécessaire de l’exposer ici plus longuement. Elle repose sur cette loi naturelle, soi-disant transcendentale, de la causalité, à savoir que tout ce qui est contingent a sa cause, et que cette cause, si elle est contingente à son tour, doit aussi avoir une cause, jusqu’à ce que la série des causes subordonnées les unes aux autres s’arrête à une cause absolument nécessaire, sans laquelle elle ne serait jamais complète.