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IMPOSSIBILITÉ DE LA PREUVE COSMOLOGIQUE


tout à fait à priori une existence. Ce concept, on crut le trouver dans l’idée d’un être souverainement réel, et ainsi cette idée ne servit qu’à déterminer avec plus de précision la connaissance de ce qu’on s’était déjà convaincu ou persuadé d’ailleurs devoir exister, c’est-à-dire de l’être nécessaire. Cependant on dissimula cette marche naturelle de la raison ; et, au lieu de finir par ce concept : on essaya de commencer par lui, afin d’en dériver cette nécessité d’existence qu’il était simplement destiné à compléter. De là résulta cette malheureuse preuve ontologique, qui n’est de nature ni à satisfaire un sain entendement naturel, ni à soutenir un examen scientifique.

La preuve cosmologique, que nous voulons maintenant examiner, maintient l’union de la nécessité absolue avec la suprême réalité ; mais, au lieu de conclure, comme la précédente, de la réalité suprême à la nécessité dans l’existence, elle conclut au contraire de la nécessité absolue, préalablement donnée, de quelque être, à sa réalité infinie, et de cette façon elle a du moins le mérite de tout ramener à un raisonnement, rationnel ou sophistique, mais à coup sûr naturel, qui emporte avec lui la plus grande persuasion, non-seulement pour l’entendement vulgaire, mais même pour l’entendement spéculatif. Aussi bien est-ce cette preuve qui a visiblement fourni à tous les arguments de la théologie naturelle les premiers linéaments, que l’on a toujours suivis et que l’on suivra toujours, de quelques ornements qu’on les décore ou qu’on les déguise. Cette preuve, que Leibnitz appelait aussi la preuve a contingentia mundi, nous allons l’exposer et la soumettre à notre examen.

Elle se formule ainsi : si quelque chose existe, il doit exister aussi un être absolument nécessaire. Or j’existe