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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE

rience, à laquelle l’objet d’une idée ne peut appartenir, il s’en faut de beaucoup que l’illustre Leibnitz ait fait ce dont il se flattait, c’est-à-dire qu’il soit parvenu à connaître à priori la possibilité d’un être idéal aussi élevé.

Cette preuve ontologique (cartésienne) si vantée, qui prétend démontrer par des concepts l’existence d’un être suprême, perd donc toute sa peine, et l’on ne deviendra pas plus riche en connaissances avec de simples idées qu’un marchand ne le deviendrait en argent si, dans la pensée d’augmenter sa fortune, il ajoutait quelques zéros à son livre de caisse.


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CINQUIÈME SECTION


De l’impossibilité d’une preuve cosmologique de l’existence de Dieu


C’était une chose tout à fait contre nature et une pure innovation de l’esprit scolastique que de vouloir extraire d’une idée arbitrairement jetée l’existence même de l’objet correspondant. Dans le fait on ne se serait jamais hasardé dans cette voie, si la raison n’avait senti le besoin d’admettre pour l’existence en général quelque chose de nécessaire (à quoi l’on pût s’arrêter en remontant), et si elle n’était forcée, cette nécessité devant être absolue et certaine à priori, de chercher un concept qui, autant que possible, satisfit ce besoin, et fît connaître