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IMPOSSIBILITÉ DE LA PREUVE ONTOLOGIQUE


est tout-puissant, contient deux concepts qui ont leurs objets : Dieu et toute-puissance ; le petit mot est n’est point un prédicat, mais seulement ce qui met le prédicat en relation avec le sujet. Si je prends le sujet (Dieu) avec tous ses prédicats (parmi lesquels est comprise la toute-puissance), et que je dise : Dieu est, ou, il est un Dieu, je n’ajoute pas un nouveau prédicat au concept de Dieu, mais je pose seulement le sujet en lui-même avec tous ses prédicats, et en même temps l’objet par rapport à mon concept. Tous deux doivent contenir exactement la même chose ; et, de ce que (par l’expression : il est) je conçois l’objet comme absolument donné, rien de plus ne peut s’ajouter au concept qui en exprime simplement la possibilité. Et ainsi le réel ne contient rien de plus que le simplement possible. Cent thalers réels ne contiennent rien de plus que cent thalers possibles. Car, comme les thalers possibles expriment le concept, et les thalers réels l’objet et sa position en lui-même, si celui-ci contenait plus que celui-là, mon concept n’exprimerait plus l’objet tout entier, et par conséquent il n’y serait plus conforme. Mais je suis plus riche avec cent thalers réels que si je n’en ai que l’idée (c’est-à-dire s’ils sont simplement possibles). En effet l’objet en réalité n’est pas simplement contenu d’une manière analytique dans mon concept, mais il ajoute synthétiquement à mon concept (qui est une détermination de mon état), sans que les cent thalers conçus soient eux-mêmes le moins du monde augmentés par cet être placé en dehors de mon concept.

Quand donc je conçois une chose, quels que soient et si nombreux que soient les prédicats au moyen desquels je la conçois (même en la déterminant complètement),