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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


ce qui est intérieur. Dieu est tout-puissant ; c’est là un jugement nécessaire. La toute-puissance ne peut être supprimée, dès que vous posez une divinité, c’est-à-dire un être infini avec le concept duquel cet attribut est identique. Mais si vous dites : Dieu n’est pas, alors ni la toute-puissance, ni aucun autre de ses prédicats n’est donné ; car ils sont tous supprimés avec le sujet, et dans cette pensée il n’y a pas la moindre contradiction.

Vous avez donc vu que, si je supprime le prédicat d’un jugement en même temps que le sujet, il ne peut y avoir de contradiction intérieure, quel que soit d’ailleurs le prédicat. Or il ne vous reste pas d’autre ressource que de dire qu’il y a des sujets qui ne peuvent être supprimés, et qui par conséquent doivent subsister. Mais cela reviendrait à dire qu’il y a des sujets absolument nécessaires, supposition dont j’ai justement révoqué en doute la légitimité et dont vous vouliez me montrer la possibilité. En effet je ne puis pas me faire le moindre concept d’une chose telle qu’il y aurait contradiction à la supprimer avec tous ses prédicats, et sans la contradiction je n’ai, par des concepts purs à priori, aucun critérium de l’impossibilité.

Contre tous ces raisonnements généraux (auxquels aucun homme ne saurait se refuser) vous m’objectez un cas que vous présentez comme une preuve par le fait, en me répondant qu’il y a cependant un concept, mais celui-là seulement, où la non-existence est contradictoire en soi, c’est-à-dire dont il y a contradiction à supprimer l’objet, et que ce concept est celui de l’être absolument réel. Il a, dites-vous, toute réalité, et vous êtes fondé à admettre un tel être comme possible (ce que j’accorde pour