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IMPOSSIBILITÉ DE LA PREUVE ONTOLOGIQUE


chose absolument nécessaire, mais que, si l’on pose la condition qu’un triangle existe (soit donné), il y a (en lui) nécessairement trois angles. Toutefois cette nécessité logique a montré une si grande puissance d’illusion qu’en se faisant d’une chose un concept à priori qui, dans l’opinion qu’on s’en fait, embrasse l’existence dans sa sphère, on a cru pouvoir en conclure sûrement que, parce que l’existence convient nécessairement à l’objet de ce concept, c’est-à-dire sous la condition que je pose cette chose comme donnée (comme existante), son existence est aussi nécessairement posée (suivant la règle de l’identité), et que cet être est lui-même absolument nécessaire, parce que son existence est comprise dans un concept arbitrairement admis et sous la condition que j’en pose l’objet.

Si dans un jugement identique je supprime le prédicat et conserve le sujet, il en résulte une contradiction, et c’est pourquoi je dis que celui-là convient nécessairement à celui-ci. Mais si je supprime à la fois le sujet et le prédicat, il n’en résulte pas de contradiction ; car il n’y a plus rien avec quoi il puisse y avoir contradiction. Il est contradictoire de poser un triangle et d’en supprimer les trois angles, mais il n’y a nulle contradiction à supprimer en même temps le triangle et ses trois angles. Il en est exactement de même du concept d’un être absolument nécessaire. Si vous en supprimez l’existence, vous supprimez la chose même avec tous ses prédicats ; d’où peut venir alors la contradiction ? Il n’y a rien extérieurement avec quoi il puisse y avoir contradiction, puisque la chose ne peut être extérieurement nécessaire ; et il n’y a rien non plus intérieurement, puisqu’en supprimant la chose même, vous avez en même temps supprimé tout