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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


une chose de ce genre que pour en démontrer l’existence. Or il est tout à fait facile de donner de ce concept une définition de nom, en disant que c’est quelque chose dont la non-existence est impossible, mais on n’en est pas plus instruit touchant les conditions qui rendent impossible de regarder la non-existence d’une chose comme absolument inconcevable, et qui répondent proprement à la question que l’on veut résoudre ; concevons-nous ou non en général quelque chose par ce concept ? En effet, de rejeter au moyen du mot absolu toutes les conditions dont l’entendement a toujours besoin pour regarder quelque chose comme nécessaire, cela est loin de me faire comprendre si par ce concept d’un être absolument nécessaire je pense encore quelque chose, ou si par hasard je ne pense plus rien du tout.

Bien plus, on a cru expliquer par une foule d’exemples ce concept risqué d’abord à tout hasard et à la fin devenu tout à fait familier, de telle sorte que toute recherche ultérieure touchant son intelligibilité parût entièrement inutile. Toute proposition géométrique, comme par exemple qu’un triangle a trois angles, est absolument nécessaire, et l’on a parlé ainsi d’un objet qui est tout à fait en dehors de la sphère de notre entendement, comme si l’on comprenait parfaitement ce que l’on veut dire avec le concept de cet objet.

Tous les exemples donnés ne sont tirés sans exception que des jugements, mais non des choses et de leur existence. Mais la nécessité absolue des jugements n’est pas une nécessité absolue des choses. En effet la nécessité absolue du jugement n’est qu’une nécessité conditionnelle des choses, ou du prédicat dans le jugement. La proposition citée tout à l’heure ne disait pas que trois angles sont